Le pionnier de la robotique Rodney Brooks, cofondateur d’iRobot et de Robust.AI, a publié sur son site un texte détaillant les grands principes qui, selon lui, conditionnent le succès des robots destinés à une production et un déploiement massifs. Loin des discours futuristes, son approche s’ancre dans la réalité industrielle : standardisation, intégration dans les infrastructures existantes, collecte de données et apprentissage continu.
Composants pour la robotique : l’erreur du sur-mesure
Rodney Brooks estime que la majorité des projets robotiques échouent à atteindre l’échelle industrielle faute d’une vision pragmatique de la fabrication. Selon lui, les entreprises doivent “utiliser autant que possible l’échelle de la chaîne d’approvisionnement des autres”. Encore aujourd’hui, les robots sont rarement produits en grandes quantités, surtout à leur lancement, ce qui empêche d’obtenir des économies d’échelle.
Pour illustrer son propos, Brooks évoque l’expérience du Roomba, le robot aspirateur d’iRobot : le premier lot comptait 70 000 unités, “énorme selon les standards du secteur”, mais insuffisant pour obtenir des coûts de production compétitifs. Ce n’est qu’en atteignant des millions d’exemplaires que l’entreprise a réellement profité des effets de volume.
Il recommande donc de s’intégrer aux chaînes d’approvisionnement existantes. Celles où les prix subissent une forte pression à la baisse, les volumes de production sont colossaux et où plusieurs fournisseurs se concurrencent sur des pièces standardisées. Concrètement, un constructeur de robots devrait choisir les mêmes moteurs, batteries ou composants électroniques que ceux produits à grande échelle pour l’industrie grand public, plutôt que de concevoir des pièces sur mesure.
Cette approche, affirme-t-il, “récompense largement en termes de réduction du coût des matériaux et de stabilité d’approvisionnement”. L’épisode du COVID-19 a montré à quel point les chaînes spécialisées pouvaient s’effondrer face aux ruptures logistiques, souligne-t-il. Pour Brooks, la standardisation n’est donc pas une contrainte mais une garantie de résilience industrielle.
L’adaptation des robots aux environnements humains
Rodney Brooks met également en garde contre une erreur fréquente : concevoir des robots qui nécessitent des aménagements particuliers pour fonctionner. Il résume cette idée par une règle simple : “Personne dans l’entreprise n’a le droit de dire ‘le client n’a qu’à faire ceci ou cela’.” Autrement dit, tout produit qui impose une adaptation de l’environnement ou du comportement des utilisateurs réduit ses chances de succès.
Il rappelle que le succès du Roomba tenait aussi à sa simplicité d’usage : “Les utilisateurs n’avaient qu’à le brancher sur une prise électrique standard pour le recharger. Rien d’autre.” Aucune installation n’était requise, ce qui a facilité son adoption massive.
Brooks illustre son propos avec son expérience actuelle chez Robust.AI, où il développe des robots autonomes pour entrepôts et usines. De nombreuses suggestions extérieures proposaient d’ajouter des sols spéciaux, avec système de recharge sans fil ou des balises de localisation. Mais selon lui, ces modifications ajoutent des coûts, ralentissent le déploiement et compliquent la décision d’achat.
Pour Brooks, la robotique commerciale doit s’inscrire dans les infrastructures existantes, au risque sinon d’échouer économiquement. Un robot doit s’intégrer comme un ajout naturel à l’environnement humain, sans demander à celui-ci de se transformer.
Tirer parti des infrastructures déjà construites pour les humains
Si modifier l’environnement est une erreur, profiter des infrastructures déjà installées pour les humains peut en revanche devenir un atout stratégique. Brooks observe qu’une “nouvelle infrastructure déjà developpée pour les humains est souvent une bonne infrastructure pour les robots”.
Il cite l’exemple des véhicules autonomes : dans les années 1980, ils devaient se contenter de simples lignes blanches sur les routes. Depuis, le GPS, les cartes numériques et les systèmes d’assistance à la conduite ont transformé les routes en environnement richement balisé, facilitant le développement de voitures automatisées.
Le même phénomène s’est produit dans d’autres secteurs : les hôpitaux, les hôtels ou les entrepôts disposent désormais de réseaux Wi-Fi étendus, non pas pour les robots, mais pour les usages humains. Ce déploiement, qui était une contrainte à l’époque des premiers robots pour ces secteurs, est devenu une infrastructure de base que ces engins peuvent aujourd’hui exploiter. De même, les sols dégagés et bien éclairés des usines, conçus pour la sécurité des travailleurs, favorisent désormais la circulation des machines autonomes.
Selon Brooks, les concepteurs doivent donc “chercher les évolutions d’infrastructure destinées aux humains” dans le domaine visé et déterminer comment les robots peuvent s’y adapter pour en tirer profit.
L’apprentissage des robots en conditions réelles
Rodney Brooks insiste aussi sur un point central : la collecte de données. L’essor du machine learning, rappelle-t-il, repose sur la disponibilité de grands volumes de données étiquetées. Or, les robots déjà déployés dans le monde réel sont, selon lui, une source quasi gratuite d’informations exploitables pour l’apprentissage automatique.
“Si vos robots disposent de caméras, ils peuvent observer en permanence des situations réelles”, écrit-il. En synchronisant ces images avec les actions du robot et les données du système de gestion d’une entreprise, il devient possible d’obtenir des ensembles de données “pré-étiquetées” exploitables à grande échelle. Une technique souhaitée par 1X Technologies pour son robot humanoïde Neo, dont les clients acceptent de partager des données personnelles pour son apprentissage.
Chez Robust.AI, cette approche est déjà en pratique : les robots sur le terrain alimentent directement les algorithmes d’apprentissage, permettant d’améliorer leur performance au fil du temps. Brooks y voit un cercle vertueux : plus les robots sont déployés, plus ils deviennent performants.

Avec ces quatre principes, Rodney Brooks défend une robotique fondée sur la pragmatisation plutôt que sur la rupture. Son approche met l’accent sur la compatibilité industrielle, la réduction des coûts et l’intégration fluide dans les environnements humains. Sur certains aspects, cette vision tranche avec l’image futuriste et premium véhiculées par les grands projets actuels d’humanoïdes, de Tesla Optimus à Figure 03, en passant par le H2 de Unitree ou Neo de 1X Technologies. Ces robots incarnent une promesse d’autonomie et d’intelligence généralisée, mais leur adoption dépendra aussi, selon Brooks, de ces réalités économiques et logistiques.
Son message, en somme, est clair : la prochaine révolution robotique ne viendra pas seulement de percées technologiques spectaculaires, mais de la capacité à concevoir des machines viables, fabriquées à grande échelle et déployées dans le monde réel.
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L’approche pragmatique de Rodney Brooks est rafraîchissante. En intégrant des normes industrielles et en utilisant des données en temps réel, la robotique peut vraiment s’implanter dans nos entreprises.
Cet article sur la robotique est fascinant ! J’aime l’idée d’intégrer ces machines dans nos vies sans trop de complications. Cela pourrait vraiment changer notre quotidien, tout en restant pratique.
L’approche de Rodney Brooks est fascinante. Intégrer les robots dans l’existant plutôt que de forcer des aménagements, c’est une vision pragmatique qui pourrait révolutionner la production. Que pensez-vous de cette méthode ?
C’est fascinant de voir comment la robotique s’adapte à notre quotidien ! La simplicité d’utilisation, c’est vraiment la clé pour rendre ces technologies accessibles à tous. J’adore !
Super article ! J’aime beaucoup l’idée de rendre les robots plus accessibles et adaptés à notre environnement. C’est fou de voir comment une bonne stratégie peut transformer la robotique.