Jeudi 6 novembre, lors de l’assemblée annuelle des actionnaires de Tesla, Elon Musk a réitéré son souhait de placer la robotique et l’intelligence artificielle, devant l’automobile, au cœur de ses ambitions industrielles. Le PDG a présenté la puce de nouvelle génération AI5, conçue notamment pour ses robots humanoïdes et a aussi évoqué son plan de rémunération colossal, conditionné à des objectifs qui semblent encore démesurés.
Un futur fait de millions de robots Optimus ?
Pour Musk, les robots humanoïdes vont devenir un produit de grande consommation, « plus grand que les téléphones portables, plus grand que tout ». Tesla voudrait amorcer ce virage au plus vite. Début 2026, son usine de Fremont devrait lancer, si tout va bien, l’Optimus V3. Le milliardaire a d’ailleurs présenté une main retravaillée, censée mieux reproduire la dextérité humaine.
Comme toujours, les ambitions du PDG sont énormes. Il espère fabriquer jusqu’à 1 million de robots par an d’ici 2030, avec un coût de production autour de 20 000 $ par unité. Ce qui donnerait un prix de vente beaucoup plus élevé que ce qu’indiquaient certaines estimations récentes (environ 10 000 $) pour une production de masse.
Musk multiplie les promesses d’usage : assistance domestique, gestes techniques, automatisation des tâches répétitives… Au point d’affirmer de façon toujours aussi mégalo que ses robots « éradiqueront la pauvreté », seront « meilleurs que le meilleur chirurgien humain » et pourraient servir à « contenir la criminalité future ».
La concurrence est toutefois rude. D’autres entreprises implantées aux USA, comme Figure AI et 1X Technologies, ou en Chine, comme Unitree et XPeng, ont multiplié les annonces ces derniers mois. De plus, les objectifs de production initiaux de 5 000 Optimus pour 2025 semblent ne pas avoir été remplis.
AI5 et usines géantes « Terafab » : Tesla veut devenir un fabricant de puces IA
Pour Musk, la clé de sa révolution robotique se trouve en fait dans les puces IA :
« Pour avoir un robot fonctionnel, il faut une très bonne puce pour l’IA ».
Le chef d’entreprise a d’ailleurs fait part de son obsession pour le modèle de 5e génération actuellement conçu par Tesla, pour Optimus et la conduite autonome (FSD) : « Je rêve littéralement de puces. Je peux dessiner de mémoire les grandes lignes du design physique de la puce AI5 à ce stade. »
Ses ambitions pour cette puce sont très élevées : des performances comparables à la Blackwell de Nvidia, mais 3 fois moins énergivore et 10 fois moins coûteuse. « Nvidia a fait un travail incroyable face à des exigences presque impossibles. Mais dans notre cas, nous recherchons la simplicité radicale », a-t-il expliqué pendant l’événement.
Aujourd’hui, la « fonderie » est sous-traitée chez Samsung et TSMC, qui fabrique également les puces conçues par Nvidia. Mais Musk estime inévitable le goulot d’étranglement, en termes de volumes, avec les fournisseurs actuels : « Même en extrapolant le scénario le plus optimiste de production de puces de nos fournisseurs, ce n’est toujours pas suffisant ».
D’où la tentation d’une usine propriétaire : « Je ne vois pas d’autre solution », a déclaré le patron de Tesla.
Avec ce projet un peu fou, il lance un nouveau mot-étendard : la « Tesla Terafab », le successeur, en encore plus grand, du concept de Gigafactory. La feuille de route annoncée pour la production de wafers – ces plaques de matériau semi-conducteur – est vertigineuse : 100 000/mois au départ, puis 1 million/mois à terme. Fandroid explique que cela représenterait 70 % de la production actuelle (1,42 million de wafers) de TSMC pour l’ensemble de ses clients.
Reste que Tesla n’a aucune expérience en fabrication de semi-conducteurs, et le coût d’une telle opération pourrait s’élever de 10 à 20 milliards de dollars. Musk a néanmoins évoqué des usines en Asie, en Arizona et au Texas, avec Samsung et TSMC en soutien initial. Un partenariat potentiel avec Intel, qui maîtrise toute la chaîne de production (mais a récemment connu des déboires financiers), a aussi été évoqué.

Elon Musk « billionnaire » : des objectifs pour Tesla inatteignables ?
En toile de fond, les actionnaires ont validé un plan de rémunération pour Elon Musk pouvant théoriquement atteindre plus de 1 000 milliards de dollars (soit 1 « billion », ou « trillion » en anglais) sur 5 ans, approuvé à environ trois quarts des voix. Le mécanisme prévoit douze tranches de 35 millions d’actions, pouvant porter sa participation d’environ 13 % à 25 %.
Mais cette fortune, qui ferait de lui le premier billionnaire de l’histoire, est soumise à des seuils de capitalisation pour Tesla, qui vaut actuellement 1 540 milliards de dollars ; soit 3 fois moins que Nvidia, la championne mondiale. L’entreprise doit pouvoir atteindre en l’espace de 5 ans, 2 000 Md$ pour la tranche 1, 4 000 Md$ pour la tranche 5, 6 000 Md$ pour la tranche 9 et 8 500 Md$ pour la tranche 10. S’y ajoutent des objectifs opérationnels : 20 millions de véhicules vendus/an, et la mise sur le marché d’1 million d’Optimus, 1 million de robotaxis ou 10 millions de logiciels « FSD ». Des chiffres qui semblent, pour l’heure, inaccessibles.
Le dossier a suscité des réserves (ISS, CalPERS, fonds souverain de Norvège…) et des critiques politiques. Le sénateur Bernie Sanders fustige : « Musk, qui a dépensé 270 millions de dollars pour l’élection de Trump, est désormais en passe de devenir billionnaire. Pendant ce temps, 60 % de la population vit au jour le jour. Les Américains savent que notre économie est truquée. Ensemble, nous pouvons et devons changer cela ».
Musk, de son côté, justifie ce levier pour pouvoir développer Tesla librement. Il dit vouloir éviter de pouvoir être « évincé par des actionnaires activistes », tout en admettant que son contrôle ne doit pas être absolu. « Mon contrôle sur Tesla devrait être suffisant pour garantir sa bonne direction, mais pas au point de ne pas pouvoir être éjecté si je pète les plombs », a-t-il déclaré, dans des propos relayés par Le Monde.
Le nouveau récit de Tesla est posé : l’Optimus comme produit-phare, l’AI5 (et les futures générations de puces) comme moteur, et une « Terafab » pour sécuriser l’approvisionnement. Malgré les critiques, les investisseurs semblent toujours convaincus que Musk demeure le pilier de la valorisation de Tesla. Pour l’analyste Dan Ives de Wedbush Securities, ce plan « sera un grand pas en avant vers la réalisation des objectifs futurs de Tesla ». Reste à savoir si ces objectifs sont vraiment réalisables…
Et vous, qu’en pensez-vous ? Elon Musk est crédible ou a simplement la folie des grandeurs ?
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