OpenAI prend des risques financiers inédits. Selon plusieurs analyses concordantes issues des résultats trimestriels de Microsoft, son principal actionnaire, la start-up à l’origine de ChatGPT aurait enregistré une perte historique d’environ 12 milliards de dollars au troisième trimestre 2025. Une somme vertigineuse, révélatrice de l’ampleur des investissements nécessaires pour soutenir la course à l’intelligence artificielle générative.
OpenAI : Un déficit colossal révélé par les comptes de Microsoft
L’information a été mise en lumière à la faveur d’une lecture attentive des documents déposés par Microsoft auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC). Dans son rapport du trimestre clos le 30 septembre, le groupe mentionne une perte de 4,1 milliards de dollars avant impôts liée à ses participations dans OpenAI. Cette donnée, passée presque inaperçue dans les communiqués officiels, a permis d’estimer l’ampleur du déficit réel de la start-up.
Selon l’analyste Firoz Valliji du cabinet Bernstein, cité par le Wall Street Journal, la proportion de 32,5 % du capital alors détenue par Microsoft implique qu’OpenAI aurait enregistré environ 12 milliards de dollars de pertes sur la période. Une estimation cohérente avec celle du site The Register, qui évoque également une perte nette de plus de 11,5 milliards de dollars pour la même période.
Il s’agirait de « l’une des plus importantes pertes trimestrielles de l’histoire du secteur technologique », selon le site Thurrott.
Cette situation marque une rupture brutale avec l’exercice précédent : les pertes annuelles d’OpenAI ne s’élevaient alors qu’à environ 5 milliards de dollars, d’après des chiffres rapportés par Cafétech. Le déficit du dernier trimestre équivaut donc, à lui seul, à plus du double de celui enregistré sur l’ensemble de l’année 2024.

Une course coûteuse à la super-intelligence
Ces pertes spectaculaires découlent directement de la stratégie de croissance adoptée par Sam Altman, le PDG d’OpenAI, qui poursuit son ambition de créer une super-intelligence artificielle. L’entreprise multiplie les contrats massifs pour acquérir la puissance de calcul nécessaire à l’entraînement de ses modèles. Parmi eux figure notamment un accord à 300 milliards de dollars avec Oracle.
La restructuration récente d’OpenAI, qui a transformé son entité commerciale fondée en 2019 en société à mission (public benefit corporation) baptisée OpenAI Group PBC, accentue la pression sur ses finances. L’investissement de Microsoft y est désormais valorisé à environ 135 milliards de dollars. Cette recapitalisation s’est accompagnée d’une réduction de la participation de Microsoft, passée de 32,5 % à environ 27 %.
Interrogé par le podcast Bg2 Pod sur cette trajectoire, Sam Altman reconnaît lui-même que « c’est un pari qui comporte une part de risques ». Ce pari s’inscrit dans une vision à long terme : la construction d’infrastructures colossales pour soutenir l’expansion et l’amélioration d’une IA générative accessible à des centaines de millions d’utilisateurs.
Monétisation de l’IA : un modèle économique sous tension
La flambée des coûts opérationnels d’OpenAI s’explique aussi par le succès fulgurant de ChatGPT, qui revendique désormais plus de 800 millions d’utilisateurs hebdomadaires. Selon Cafétech, plus la plateforme est utilisée, plus les coûts d’inférence augmentent, dépassant largement les revenus tirés des abonnements payants. Le lancement récent de Sora, un réseau social de vidéos IA inspiré de TikTok, pourrait encore aggraver la situation financière à court terme.
Face à ce déséquilibre, la société cherche de nouveaux leviers économiques. Elle explore désormais la monétisation par la prise de commissions sur des achats réalisés via ChatGPT. Une fonctionnalité déjà testée avec Walmart et bientôt déployée auprès des commerçants utilisant Shopify. Sam Altman a également évoqué une monétisation publicitaire de Sora, voire d’autres produits d’OpenAI, tout en promettant que « les réponses de ChatGPT ne seront jamais modifiées au profit d’un annonceur ».
Selon ses propres déclarations dans l’épisode de Bg2 Pod, le chiffre d’affaires d’OpenAI serait désormais « nettement supérieur » aux 13 milliards de dollars estimés par la presse. Le dirigeant vise d’ailleurs 100 milliards de dollars de revenus d’ici 2027, grâce à de nouveaux produits et services, et un investissement total de 1 400 milliards de dollars sur 5 ans pour bâtir des centres de données d’une puissance totale de 30 gigawatts, soit la consommation approximative de 30 millions d’habitants.
L’IA, moteur des investissements pour les géants de la tech
La trajectoire d’OpenAI illustre un mouvement plus large au sein de la tech américaine. En 2025, Google, Microsoft, Amazon et Meta devraient investir près de 380 milliards de dollars, contre moins de 150 milliards en 2023. Ces montants colossaux, concentrés sur les infrastructures et les puces dédiées à l’IA, témoignent d’une foi intacte dans le potentiel économique de l’intelligence artificielle. Mais ils sont aussi source d’inquiétude en termes de rentabilité, sur les marchés financiers.
Avec une perte record de 12 milliards de dollars en un trimestre, OpenAI illustre à la fois l’ampleur et la fragilité de la révolution en cours. La start-up, moteur d’un secteur en pleine effervescence, cristallise les tensions entre volonté d’innovation et rentabilité. Si ses ambitions technologiques demeurent intactes, son modèle économique reste encore à prouver. Se dirige-t-on en fait vers l’éclatement d’une potentielle bulle de l’IA ? Et vous, qu’en pensez-vous ?
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