Les marchés financiers ont vacillé cette semaine sous le poids d’un doute grandissant : l’intelligence artificielle est-elle en train de vivre son premier krach ? La chute brutale de 3 % du NASDAQ (soit près de 1 000 milliards de dollars) et les interrogations autour des dépenses colossales d’OpenAI ont ravivé les craintes d’une bulle spéculative, alimentée par des valorisations record et des paris technologiques de plus en plus risqués.
« Bulle de l’IA » : Un vent de panique sur le NASDAQ à la Bourse
En l’espace de quelques jours, près de 1 000 milliards de dollars de capitalisation se sont évaporés des entreprises cotées au NASDAQ, l’indice boursier qui rassemble les sociétés technologiques. Les titres phares du secteur de l’IA, comme Nvidia (-350 milliards depuis sa valorisation record de 5 000 milliards de dollars), Meta, Oracle ou Palantir, ont été particulièrement touchés.
Cette chute de 3 % intervient dans un contexte de tensions économiques mondiales et de doutes sur la rentabilité future de l’IA. La correction, la plus forte depuis l’annonce des droits de douanes de Trump en avril, a déclenché une vague d’inquiétude parmi les investisseurs et les analystes.
Certains redoutent l’éclatement d’une « bulle de l’intelligence artificielle ». Le financier Michael Burry, connu pour avoir prédit la crise des subprimes en 2008, avait même parié il y a une semaine 1,1 milliard de dollars sur la chute des actions de l’IA.
Les observateurs constatent des plans de licenciements massifs récents (21 600 postes chez Meta, 26 000 chez Microsoft…) et une accumulation de dettes dans des entreprises d’IA, investissant massivement dans des data centers sans connaître les bénéfices futurs du secteur.
Malgré la nervosité des marchés, Donald Trump, interrogé sur le sujet, avait tenté de minimiser les craintes vendredi 7 novembre en déclarant : « Non, non, j’adore l’IA, ça va être très utile, on va faire plein de choses avec ! » Un argumentaire un peu léger, qui aura du mal à dissiper la peur croissante d’un effondrement des valorisations.
Les pertes colossales d’OpenAI, au cœur des interrogations
Au centre de cette tempête boursière, OpenAI concentre l’essentiel des inquiétudes. La start-up à l’origine de ChatGPT a vu ses dépenses exploser à un rythme sans précédent, principalement pour construire ses centres de données Stargate capables de soutenir la puissance de calcul nécessaire à ses modèles, tels que Sora. Ses engagements d’investissement atteignent 1 400 milliards de dollars sur huit ans, un chiffre vertigineux qui dépasse de loin les capacités de la plupart des groupes technologiques.
Pourtant, les pertes d’OpenAI auraient atteint plus de 12 milliards de dollars au troisième trimestre 2025, selon des estimations issues des résultats de Microsoft, son principal actionnaire. En parallèle, la société a revu à la hausse ses prévisions de dépenses jusqu’en 2029, tablant désormais sur 115 milliards de dollars, soit 80 milliards de plus que les précédentes estimations. Outre les data centers, les investissement incluent des contrats avec des fournisseurs d’énergie comme l’argentin Sur Energy, d’un montant potentiel de 25 milliards de dollars.
Son directeur général, Sam Altman, a cherché à tempérer les doutes sur X :
« Nous prévoyons de terminer l’année avec un chiffre d’affaires annualisé supérieur à 20 milliards de dollars et d’atteindre plusieurs centaines de milliards d’ici 2030. »
Selon le PDG, la start-up repose sur un modèle solide, en expansion, avec notamment plus d’1 million d’entreprises clientes et 800 millions d’utilisateurs hebdomadaires. Selon lui, l’équilibre financier serait prévu pour 2029. Mais à condition que la croissance du chiffre d’affaires reste soutenue.
Pour cela, OpenAI mise sur la diversification de ses revenus : abonnements ChatGPT (avec un objectif de revenus de 50 milliards de dollars en 2029), vente de modèles aux entreprises (22 milliards), agents d’IA autonomes (29 milliards). Ou encore de l’affiliation avec les résultats de ChatGPT, des projets dans la robotique ou de la publicité. Mais ces dernières sources de revenus restent hypothétiques, rendant le pari d’autant plus risqué.
OpenAI clashée par la Maison Blanche : un incident qui inquiète
Les doutes autour de la viabilité économique du secteur ont été exacerbés par une polémique née quelques jours avant la chute du Nasdaq. Lors d’une conférence organisée le 5 novembre par le Wall Street Journal, la directrice financière d’OpenAI, Sarah Friar, avait évoqué la possibilité d’un soutien gouvernemental pour financer les projets d’infrastructure de la société. Ses propos sur une éventuelle « garantie fédérale » ont immédiatement déclenché un tollé, jusqu’à la Maison-Blanche.
« Il n’y aura pas de plan de sauvetage fédéral pour les sociétés d’IA », a tranché David Sacks, conseiller de Donald Trump sur ces questions.
Face à la controverse, Sarah Friar a reconnu sur LinkedIn que l’emploi du mot « garantie » avait « brouillé le message ». Sam Altman a lui aussi tenu à clarifier la position de l’entreprise : « Nous ne cherchons pas à obtenir des garanties de l’État pour les data centers d’OpenAI », a-t-il écrit sur X, ajoutant que « les contribuables ne doivent pas renflouer des sociétés qui prennent de mauvaises décisions commerciales ».

Cette séquence a accentué la nervosité des marchés, déjà secoués par les doutes sur la solidité financière d’OpenAI et d’autres acteurs de l’IA. Plusieurs économistes y voient un avertissement : la chaîne de financement actuelle — où fabricants de puces, fournisseurs d’infrastructures et laboratoires d’IA échangent actions et capitaux — pourrait s’effondrer si la rentabilité promise tardait à se concrétiser.
Comme le rappelle l’entrepreneur Gilles Babinet, « les montants sont délirants, l’intelligence artificielle est responsable à elle seule de la croissance des Etats-Unis. Si elle chute, les conséquences ont de fortes chances de se répliquer sur le reste de l’économie. » Mais d’autres, comme Julien Pillot, se veulent plus rassurants : l’IA fait déjà partie de nos vies et la plupart des géants de l’IA (Google, Microsoft, Nvidia, Amazon…) sont des entreprises solides.
Ces récentes turbulences financières rappellent que l’euphorie autour de l’intelligence artificielle repose sur des équilibres fragiles. OpenAI, vitrine mondiale du secteur, cristallise à la fois l’admiration pour ses avancées technologiques et la crainte d’un effondrement, précipité par des investissements trop lourds. Sam Altman se veut serein : « Si une entreprise échoue, d’autres feront du bon travail », a-t-il déclaré. Une manière de rappeler que, malgré les secousses, l’IA continue de séduire États, entreprises et investisseurs.
Reste à savoir si cette confiance collective suffira à empêcher l’éclatement d’une bulle potentielle… Et vous, quelles sont vos prédictions ?
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