Après avoir conquis les claviers avec ChatGPT, OpenAI semble bien décidé à conquérir aussi le monde physique. L’entreprise accélère dans la robotique humanoïde, embauche à tour de bras, et vise une nouvelle frontière : rendre l’IA « incarnée ».
Imaginez un robot humanoïde capable de laver votre linge, de faire la vaisselle ou d’assembler des composants dans une usine. Pas un simple automate qui suit des scripts, mais une machine intelligente, capable d’apprendre et de s’adapter à l’imprévu. C’est l’une des directions, désormais, dans lesquelles semble vouloir s’engager OpenAI. Le sujet serait en discussion depuis l’an dernier chez la société à l’origine de ChatGPT, alors qu’elle recrute de plus en plus de spécialistes de la robotique, de la simulation et du design mécanique. Se dirige-t-on vers un futur fait de robots dopés aux grands modèles de langage GPT ?
Quand ChatGPT sort de l’écran : le pari de la robotique
En 2019, OpenAI avait utilisé une main robotique entraînée par renforcement pour résoudre un Rubik’s Cube. Deux ans plus tard, sa branche robotique était mise en pause pour se concentrer sur les modèles de langage. Mais depuis 2024, l’entreprise a relancé la machine. Et aujourd’hui, cela semble prendre de l’ampleur.
Selon le média The Information, « deux personnes en connaissance directe » de ce qui se passe chez OpenAI, mais que le magazine ne nomme pas explicitement, soutiennent que le sujet est en discussion dans l’entreprise.
De plus, OpenAI aurait multiplié les investissements dans des start-ups spécialisées dans le matériel et les logiciels pour robots (Figure, Physical Intelligence…). Son équipe interne, dédiée à ces logiciels de robotique, a également été relancée.
Des chercheurs experts dans le développement d’algorithmes IA, notamment pour robots humanoïdes, ont rejoint ses rangs ; nous informe Wired. Parmi les nouvelles recrues, on trouve par exemple Chengshu Li, qui a intégré l’équipe en juin 2025. Issu de l’Université de Stanford, le scientifique est spécialiste des robots domestiques à forme humaine partielle. Par exemple, avec bras articulés, mais des roues au lieu des jambes ; à l’instar du R1 de Robbyant.
Spécialiste en robotique ? OpenAI recrute
Les récentes offres d’emplois d’OpenAI montrent également que la société est en train de monter une équipe capable de créer des systèmes entraînables par téléopération et simulation.
Selon les offres publiées, citées par Wired, OpenAI semble chercher des spécialistes :
- en téléopération et simulation avec expérience sur des outils comme Nvidia Isaac,
- en design mécanique avec expérience en assemblage industriel,
- des capteurs tactiles et de mouvement.
Une annonce récemment publiée mentionne, dans les qualifications souhaitées, une « expérience en conception de systèmes mécaniques pour la production de masse (1M+) ». Même si ce n’est pas la preuve d’un objectif concret, cela suggère que l’entreprise vise la scalabilité et envisage une possible industrialisation dans les années à venir.
Pourquoi OpenAI parie sur les robots humanoïdes
Comme le souligne Wired, toutes les annonces de recrutement en robotique chez OpenAI indiquent que l’entreprise « se concentre sur la libération du potentiel de la robotique généraliste et sur l’avancée vers une intelligence de niveau IAG dans des environnements dynamiques et réels ». L’IAG (« AGI » en anglais) étant une « Intelligence Artificielle Générale« , capable de surpasser le raisonnement humain.
Il semblerait donc que pour OpenAI, l’IAG pourrait être atteinte grâce à des algorithmes en capacité de se confronter au monde réel. Selon la roboticienne Stefanie Tellex, OpenAI a « atteint un plafond avec GPT-5. Ils doivent se tourner vers le monde physique. ». Et selon elle, créer des robots plus efficaces passera par le design et l’entraînement « de modèles capables de traiter des entrées perceptives complexes à haute fréquence et produire des actions physiques tout aussi riches ». En clair : il faudra voir, comprendre, et interagir en temps réel pour atteindre un niveau d’intelligence artificielle supérieur.
OpenAI pourrait donc nécessiter des robots, pas seulement capables de faire des mouvements impressionnants, mais aussi d’évoluer dans des environnements non prévisibles. Ce que les chercheurs appellent des contextes « non structurés ». Par exemple, des cuisines en désordre, des entrepôts avec beaucoup d’activité ou des salons où traînent des Legos…
OpenAI en retard dans la course aux humanoïdes ?
Le hic, c’est qu’OpenAI part avec du retard sur certains aspects. Plusieurs concurrents comme Tesla avec l’Optimus, ou Figure AI et Agility Robotics, disposent déjà de prototypes et d’infrastructures, et ont une longueur d’avance sur l’intégration matérielle.
Ce qui ne semble pas freiner Sam Altman. On l’a vu, en interview, parler de robots marchant dans la rue. Dans une note récente sur son blog, il décrit un futur où des robots humanoïdes fabriqueraient d’autres robots, construiraient des data centers, extrairaient des ressources… Bref, une boucle d’autoproduction.
Utopique ? Peut-être. Même si ce sont davantage des réflexions personnelles qu’un véritable plan d’action, tout cela tend à confirmer que l’IA pourrait, selon OpenAI, avoir besoin d’un corps pour évoluer. Et plus il y aura de robots intéragissant avec le monde extérieur, plus les collectes de données seront utiles à leur développement.
Le contrôle des robots par les humains, dans un premier temps, peut également servir à la conception d’une IA totalement indépendante. C’est par exemple la stratégie de la start-up 1X pour son modèle « Neo ». Elle est inspirée de l’approche de Tesla pour concevoir ses véhicules autonomes, ou plus récemment, selon le Washington Post, pour entraîner ses robots Optimus.
Robots humanoïdes : un futur marché à 5 000 milliards ?
L’industrie des robots humanoïdes attire des milliards de dollars. Depuis début 2024, plus de 5 milliards ont été investis dans des startups du secteur.
La banque américaine Morgan Stanley prédit un marché de 5 000 milliards de dollars d’ici 2050, avec plus de 300 millions d’humanoïdes en circulation en Chine, et près de 78 millions aux USA. Le tout pour effectuer des tâches simples et répétitives ; principalement dans un but industriel et commercial.
Mais cela reste des projections hypothétiques. Car même si certains modèles dansent ou montent des escaliers, on est encore loin d’un robot capable de faire face à la complexité du quotidien. L’adaptabilité en temps réel reste un Graal technique.
L’AGI doit-elle forcément être incarnée ? Le grand débat
Derrière cette course à l’humanoïde se cache une autre question : l’AGI doit-elle nécessairement être incarnée ? Des chercheurs comme Song-Chun Zhu, qui a quitté les USA pour la Chine, défendent une autre approche : faire plus avec moins. Pour lui, l’intelligence n’est pas une question de « big data », mais de capacité à raisonner pour atteindre un objectif, avec un minimum de données en entrée.
Il appelle ça le “small data, big task”, qu’il oppose au “big data, small task” des grands modèles de langage comme ChatGPT. D’après l’équipe de Zhu, l’AGI est caractérisée par des qualités telles que le fait d’être ingénieux face à des situations inédites, avoir une « intuition sociale et physique » et comprendre les relations entre cause et effet. Selon The Guardian, Zhu estime que les LLM n’y parviendront jamais.
Alors, qui a raison ? Ceux qui veulent armer les IA de jambes et de mains, ou ceux qui cherchent à les rendre plus intelligentes sans les faire marcher ? Une chose est sûre : la bataille ne fait que commencer. Toutefois, si OpenAI compte bien faire son retour dans la robotique, ses objectifs principaux, selon Wired et The Information, restent le développement de l’IA, plus que des robots en eux-mêmes. De plus, on ne sait pas encore si l’entreprise souhaite construire ses propres humanoïdes ou plutôt s’appuyer sur des entreprises spécialisées dans leur fabrication, tout en gérant la partie IA et systèmes de téléopération.
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