Le pionnier français de l’IA Yann Le Cun s’apprêterait à quitter Meta, après plus de dix ans passés à la tête de la recherche en intelligence artificielle du groupe. Son départ illustre les tensions stratégiques internes liées au virage de la “superintelligence” impulsé par Mark Zuckerberg.
Une figure historique de Meta (et un précurseur de l’IA) sur le départ
Chercheur de renom, Yann Le Cun est connu pour avoir été lauréat du prix Turing 2018, l’équivalent du Nobel pour l’informatique, grâce à ses avancées dans l’apprentissage automatique. Actuellement Scientifique en chef de l’intelligence artificielle chez Meta, il prévoirait de quitter l’entreprise dans les prochains mois pour fonder sa propre start-up, selon plusieurs médias américains.
Le chercheur franco-américain avait rejoint Facebook en 2013 pour y diriger, plus tard depuis Paris, le laboratoire FAIR (Fundamental AI Research Lab). Convaincu par Mark Zuckerberg à l’époque, il incarnait la volonté du réseau social de devenir un acteur majeur de la recherche fondamentale en IA.
Mais l’arrivée récente d’Alexandr Wang, fondateur de la start-up de labellisation de données Scale AI, à la tête d’une nouvelle division baptisée Meta Superintelligence Labs, a bouleversé la hiérarchie interne. Wang a été recruté en juin dernier en échange d’un investissement de 14,3 milliards de dollars de Meta dans Scale AI, soit 49 % de participation dans sa société. L’entrepreneur supervise désormais l’ensemble des divisions IA chez Meta, y compris FAIR, qui dépendait jusque-là de Chris Cox.
Cette réorganisation, doublée du transfert direct de Le Cun sous la responsabilité du jeune ingénieur de 28 ans, a marqué un tournant dans la gouvernance technologique du groupe.
LLM versus « World Models » : Deux visions opposées de l’IA
Le départ de Yann Le Cun s’expliquerait aussi par un désaccord de fond avec la nouvelle orientation stratégique de Meta. Mark Zuckerberg, qui s’est montré déçu des performances du modèle de Meta Llama 4, cherche à rivaliser avec OpenAI, Google et Anthropic sur le terrain des IA génératives et des assistants conversationnels. Le scientifique, quant à lui, est plus critique envers les LLM.
Le Cun estime que les grands modèles de langage “sont utiles mais ne seront jamais capables de raisonner ou de planifier comme les humains”, rapporte le Financial Times,
À la tête du laboratoire FAIR (renommé ensuite Meta AI), il défendait une approche fondée sur les “world models”, des systèmes capables d’apprendre à partir de données vidéos et spatiales, et pas uniquement de langage, pour comprendre le monde physique, raisonner et prédire des événements. Selon lui, un peu à la manière des bébés ou des animaux : par l’observation et la découverte de leur environnement.
Une voie avec des applications en robotique, qu’il juge indispensable pour atteindre l’AGI, une « intelligence artificielle générale » au moins aussi performante que celle de l’humain. Cette orientation, déjà explorée avec Meta à travers son projet de recherche V-JEPA, devrait être au cœur de la future start-up qu’il souhaite créer. Mais une telle architecture pourrait encore demander une décennie de développement, selon Le Cun.
Face à ces contraintes temporelles, Mark Zuckerberg a choisi d’accélérer dans une autre direction : celle de la “superintelligence” par le biais des LLM. L’objectif affiché est de produire plus rapidement des modèles compétitifs pour les intégrer à des produits concrets. Par exemple l’assistant Meta AI, intégré comme chatbot sur Instagram, Facebook et WhatsApp, qui pour l’instant n’a pas rencontré le succès de ses concurrents, ou encore ses lunettes connectées Meta Ray-Ban Display.

Un remaniement pour concurrencer les géants de l’intelligence artificielle
Le départ annoncé de Yann Le Cun s’inscrit dans une série de remaniements internes qui secouent Meta depuis plusieurs mois. Après la démission de Joelle Pineau, ancienne vice-présidente de la recherche en IA partie rejoindre la start-up canadienne Cohere, environ 600 postes ont été supprimés au sein-même de FAIR et des premières équipes IA, le mois dernier.
En parallèle, les nouvelles ambitions du groupe ont été soutenues par des embauches spectaculaires, parfois accompagnées de primes à sept chiffres, pour permettre de recruter des chercheurs venus d’OpenAI, Apple ou Google. Zuckerberg a même constitué, au sein de la division Superintelligence, une équipe restreinte, nommée TBD Lab. Consacrée au développement de la prochaine génération de LLM, elle s’est formée à l’aide de rémunérations pouvant atteindre 100 millions de dollars, rappelle le Financial Times.
Cette restructuration, qui vise à accélérer la commercialisation de nouveaux modèles, intervient également dans un contexte de pression boursière croissante. Fin octobre, l’action Meta a chuté de 12,6 %, effaçant près de 240 milliards de dollars de capitalisation après l’annonce d’investissements massifs dans l’IA, susceptibles de dépasser un montant de 100 milliards en 2026. Sous la contrainte de Wall Street, Mark Zuckerberg tente désormais de prouver que cette stratégie de “superintelligence” peut générer des revenus tangibles.
Pour Yann Le Cun, en revanche, l’enjeu est ailleurs : continuer à défendre une IA ouverte, éthique et fondée sur la compréhension du réel. Inventeur des réseaux neuronaux convolutifs (CNN), il a contribué aux progrès de la reconnaissance d’images (écriture, visages, etc.) et de la détection d’objets par les ordinateurs. Son futur projet, centré sur la modélisation du monde physique, prolongerait cette ambition scientifique, à contre-courant de la course actuelle à la productivité générative.
Le départ de Yann Le Cun clôt une décennie marquée par des découvertes en intelligence artificielle chez Meta, et par la promotion d’une approche “open source” qui a façonné des modèles comme Llama. L’événement pourrait symboliser la fin d’une ère au sein du groupe, désormais tourné vers des ambitions industrielles et financières plus immédiates.
Pour la recherche fondamentale, en revanche, son retrait de Meta pourrait bien ouvrir de nouvelles perspectives. En nous dirigeant, par exemple, vers des modèles d’IA qui chercheraient moins à imiter le langage qu’à comprendre notre monde.
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Le départ de Yann Le Cun marque un tournant crucial pour Meta. J’admire son approche axée sur la compréhension du monde, bien plus profonde que la simple quête de productivité.
C’est fascinant de voir comment les tensions internes peuvent influencer l’innovation. Le départ de Yann Le Cun pourrait vraiment changer la direction de l’IA chez Meta. Hâte de voir ce qu’il va accomplir !
Le départ de Yann Le Cun de Meta est un tournant fascinant. J’espère que sa nouvelle start-up apportera des saveurs inédites à l’intelligence artificielle !