Le secteur de l’animation française a vivement critiqué l’entreprise derrière ChatGPT, après l’annonce d’un film d’animation créé à l’aide de l’intelligence artificielle.
Il y a quelques semaines avait été annoncée la sortie en salles, en 2026, de Critterz, un long métrage d’animation généré par l’IA, en collaboration avec OpenAI. L’entreprise de Sam Altman a également pour objectif de le présenter en avant-première au festival de Cannes. En réponse, graphistes, scénaristes et réalisateurs français ont publié, le 23 septembre, un communiqué intitulé « La création d’animation menacée par Open AI ». Au-delà des craintes pour leurs métiers, les signataires appellent les pouvoirs publics, les festivals et les spectateurs à s’opposer aux oeuvres réalisées par l’intelligence artificielle, en soutenant la création humaine.
Critterz : un film d’animation IA bientôt sur nos écrans
Critterz raconte les aventures d’animaux de la forêt dont le village est bouleversé par l’arrivée d’un étranger. L’idée vient de Chad Nelson, aujourd’hui Spécialiste Créatif chez OpenAI. Un premier film était sorti en avril 2023 sous la forme d’un court-métrage. Il avait été réalisé avec DALL-E, l’outil de génération d’images d’OpenAI sorti à l’époque. Le projet qui est aujourd’hui critiqué est un prolongement de ce premier format court.
OpenAI met à disposition ses outils tels que GPT-5, Sora et DALL-E, pour ce futur long-métrage animé, dont les images seront conçues grâce à l’IA. Avec Critterz, l’entreprise de Sam Altman souhaite démontrer que l’intelligence artificielle générative peut réduire à la fois les coûts et les délais de production d’Hollywood.
Malgré la place centrale de l’IA, certains éléments restent quand même entre les mains de créateurs humains. Les personnages seront doublés par des comédiens, et les images générées à partir des outils d’OpenAI s’appuieront sur des dessins réalisés par des illustrateurs. Le scénario, quant à lui, a été confié à des membres de l’équipe derrière Paddington au Pérou.
Alors qu’un tel projet nécessite généralement trois ans, Critterz devrait être réalisé en seulement neuf mois, avec un budget inférieur à 30 millions de dollars. La production est assurée par le studio londonien Vertigo Films et Native Foreign, spécialisé dans l’IA pour l’audiovisuel. Le financement, quant à lui, provient de Federation Studios, maison-mère parisienne de Vertigo.
La filière française de l’animation vent debout contre OpenAI
Selon le Wall Street Journal, OpenAI vise une sortie en salles à l’échelle mondiale en 2026, avec une première au Festival de Cannes. Il n’en fallait pas plus aux professionnels de l’animation français pour s’insurger.
Les signataires du communiqué reconnaissent que le secteur a toujours « eu recours aux innovations technologiques dans les projets de création ». Toutefois, ils précisent qu’elles ne sauraient « remplacer la sensibilité, la vision et l’engagement des créateurs et des créatrices. » Selon eux, « l’acte de création est un geste profondément humain, nourri d’expériences, de cultures et d’émotions que l’IA ne peut reproduire. »
Pour appuyer leur argumentaire, leur tribune évoque également le « non-respect du droit d’auteur » par OpenAI, durant la polémique sur les dessins Ghibli. L’entreprise avait en effet été vivement critiquée pour sa reproduction non autorisée du style de Miyazaki sur ChatGPT.
Les professionnels préviennent également le Festival de Cannes qu’il « ne saurait être détourné aux fins d’une opération de promotion commerciale et de substitution des créateurs. »
Malgré ces attaques, le projet emploie tout de même une équipe d’environ 30 personnes. Contrairement aux oeuvres créées uniquement par l’IA, l’implication d’artistes humains devrait « permettre à Critterz de bénéficier de la protection du droit d’auteur », estime Nik Kleverov, cofondateur de Native Foreign.
Hollywood, Cannes et Disney : l’IA dans l’audiovisuel divise toujours
En tant que Spécialiste Créatif chez OpenAI, Chad Nelson est chargé de démocratiser l’utilisation des outils de l’entreprise auprès des artistes. Mais dans l’industrie audiovisuelle, les réticences demeurent.
Des géants du divertissement comme Disney et Netflix testent eux aussi l’IA, tant pour la production que pour la communication. Pourtant, beaucoup sont fébriles à une adoption massive, de peur de heurter scénaristes et acteurs, ainsi que leurs syndicats.
En outre, le Wall Street Journal explique que les studios se montrent également vigilants sur la protection de leurs propres licences. En juin 2025, Disney et Universal ont poursuivi Midjourney, l’accusant d’avoir reproduit leurs créations. Midjourney rejette ces accusations.
Cela ne décourage pas pour autant OpenAI. « Ce film reflète le type de créativité et d’expérimentation que nous aimons encourager », a confirmé un de ses porte-parole. La société estime que le succès de Critterz prouverait qu’un film conçu avec l’aide de l’IA peut séduire le grand public. Ce qui pourrait accélérer son adoption par Hollywood.
Est-ce que la sortie de ce communiqué va, pour autant, modifier les plans des institutions visées ? Rien n’est moins sûr. OpenAI et le Festival de Cannes n’ont, pour l’heure, pas réagi à la tribune. Même si les producteurs de Critterz n’ont pas encore trouvé de partenaire pour la distribution, l’usage de l’intelligence artificielle se démocratise de plus en plus dans tous les secteurs. Avec des coûts et des délais à ce point réduits, est-il vraiment possible de freiner son arrivée au cinéma ? Et vous, qu’en pensez-vous ?
Certains liens de cet article peuvent être affiliés.