Diella, la ministre virtuelle nommée par le Premier ministre albanais, a pour objectif de stopper la corruption liée à l’attribution des marchés publics.
Le Premier ministre albanais Edi Rama a créé la surprise en annonçant, jeudi 11 septembre 2025, l’entrée au gouvernement d’un ministre pas comme les autres : une intelligence artificielle. Baptisée Diella, elle se voit confier le portefeuille des marchés publics, un secteur particulièrement exposé aux pratiques de corruption, que l’exécutif promet de combattre.
Diella, une IA ministre chargée des marchés publics
« Elle s’appelle Diella », a lancé Edi Rama lors de la présentation de son nouveau gouvernement, issu de la victoire de son Parti socialiste aux législatives de mai dernier. Cette ministre, dont le nom signifie « Soleil » en albanais, est en fait une intelligence artificielle. Son avatar vêtu d’une tenue traditionnelle albanaise, serait capable, selon les informations, de répondre aux questions des citoyens, mais aussi de prendre des décisions.
Selon le chef du gouvernement, cette nomination inédite vise à garantir que les appels d’offres publics seront « exempts de corruption à 100 % et que chaque denier public soumis à la procédure d’appel d’offres sera parfaitement transparent ». Pour empêcher toute tentative de fraude, Diella doit analyser les dossiers et repérer les failles éventuelles. L’argument implicite soutenu par le pouvoir albanais, en faveur de cette initiative insolite, est qu’on ne peut pas soudoyer une IA avec de l’argent.
Selon les annonces officielles, l’IA pourra également « recruter des talents dans le monde entier ». Reste à préciser son champ d’action exact : disposera-t-elle d’un véritable pouvoir de décision, ou servira-t-elle surtout d’assistante aux ministres humains ? Sa présence éventuelle, via un écran, aux Conseils des ministres n’a pas non plus été confirmée. Toutefois, Diella est présentée par le gouvernement comme une ministre à part entière. Ce qui constitue une première mondiale.
Ce que cache la nomination de Diella à un ministère
Au-delà de l’effet d’annonce, cette nomination s’inscrit dans une stratégie politique plus large. C’est aussi un coup de communication pour montrer que le pays se modernise. La lutte contre la corruption, surtout dans la fonction publique, est un critère décisif dans la candidature de l’Albanie à l’entrée dans l’Union Européenne, visée par Edi Rama d’ici 2030.
Diella n’est pas totalement inconnue du public. Lancée dès janvier 2025 comme assistante virtuelle sur la plateforme officielle e-Albania, elle aidait déjà les citoyens à obtenir documents et services en ligne. Selon les chiffres fournis par le gouvernement, elle aurait facilité la délivrance de plus de 36 000 documents numériques et accompagné près d’un millier de démarches administratives.
Mais cette promotion intervient alors que le Parti socialiste d’Edi Rama a lui-même été rattrapé par des scandales à répétition. Au pouvoir depuis 12 ans, le Premier ministre a d’ailleurs décroché un 4ème mandat, à l’issue d’élections jugées « douteuses », en mai dernier. L’Albanie est quant à elle classée au 80e rang, sur 180, de l’indice de la corruption de Transparency International. Des doutes sont donc émis quant aux capacités de Diella à juguler le phénomène. Paramétrée par des informaticiens sous la botte d’Edi Rama, on la soupçonne même d’être un faux outil anti-corruption.
Les politiciens IA : une vraie première mondiale ?
Si l’Albanie devient bien le premier pays à confier officiellement un ministère à une intelligence artificielle, l’idée de politiciens virtuels n’est pas totalement nouvelle. Ces dernières années, plusieurs expériences ont déjà été menées, nous informe la chaîne RMC.
Au Royaume-Uni, lors des dernières élections générales, un entrepreneur nommé Steve Endacott avait candidaté avec son avatar AI Steve. Celui-ci était destiné à recueillir en ligne les avis des électeurs et à proposer un programme fondé sur un compromis entre idées de gauche et de droite. L’initiative a beaucoup fait parler mais le candidat virtuel a terminé bon dernier dans sa circonscription.
Au Japon, en 2018, Michihito Matsuda avait candidaté aux élections municipales de Tama (150 000 habitants) sous les traits d’un robot féminin, promettant de mettre l’intelligence artificielle au centre de sa politique. L’avatar avait tout de même obtenu environ 9 % des voix, sans toutefois décrocher de siège. Un événement insolite qui confirme la place de pionnier du Japon dans la démocratisation des IA et des nouvelles technologies.
L’expérience albanaise va donc beaucoup plus loin, en plaçant l’intelligence artificielle directement au cœur de l’appareil d’État. Reste à savoir si Diella tiendra ses promesses et s’imposera comme une arme crédible contre la corruption, ou si elle restera dans l’histoire comme un coup politique audacieux, mais symbolique.
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